Blogue d’ACCM

Appel à l’action pour remédier à l’héritage du système des pensionnats indiens

Sida bénévoles Montréal

Veuillez noter que ce qui suit est une traduction de courtoisie de la version anglaise officielle de cette lettre.

Monsieur le Ministre,

Nous, à SIDA Bénévoles Montréal (AIDS Community Care Montreal – ACCM), sommes profondément attristés et bouleversés par la récente découverte d’une fosse commune de 215 élèves d’un pensionnat sur un territoire non cédé du peuple Secwépemc. Cette découverte troublante ouvre de nombreuses blessures pour les peuples autochtones de l’île de la Tortue, qui subissent encore les traumatismes et la douleur du système des pensionnats indiens (SPI) au Canada. La découverte de cette fosse commune n’est pas surprenante, car les survivants du SPI et leurs communautés connaissent depuis longtemps l’existence de ces sites, comme l’a clairement indiqué la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR).

ACCM est une organisation qui offre du soutien aux personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et/ou l’hépatite C sur le territoire non cédé du peuple Kanien’kehá:ka, dans une ville qui abrite une diversité de nations autochtones. ACCM sert une communauté dans laquelle les peuples autochtones sont surreprésentés : alors que les Premières Nations, les Métis et les Inuits ne représentent que 4,9 % de la population totale au Canada, 11,3 % des personnes nouvellement infectées au VIH en 2016 étaient des peuples autochtones.7 Ces taux plus élevés de VIH et d’hépatite C chez les peuples autochtones du Canada sont le résultat de l’héritage du SPI, du traumatisme intergénérationnel qui en a résulté et du génocide actuel dont faisait partie le SPI. ACCM souhaite offrir son soutien et sa solidarité aux communautés autochtones, particulièrement en cette période difficile.

Le SPI a été créé au milieu du XIXe siècle et la dernière école a fonctionné jusqu’en 1996. Le but explicite de ces écoles était de retirer les enfants autochtones de leur famille et de leur communauté afin de les assimiler à la société canadienne des colons. Les enfants ont été retirés, souvent de force, de leurs foyers et emmenés dans des écoles financées par le gouvernement canadien et gérées principalement par des églises. Il était interdit aux enfants de parler leur langue ou de pratiquer leur culture, ils étaient confrontés à des taux extrêmement élevés d’abus verbaux, physiques et sexuels, de malnutrition et de maladies telles que la tuberculose. Ces expériences ont entraîné des traumatismes intergénérationnels, le bouleversement des communautés et de la transmission de leur culture et traditions. Le SPI fait partie d’un génocide plus vaste et encore en cours des peuples autochtones par l’État canadien. Son héritage se poursuit à ce jour, en particulier avec des taux d’incarcération élevés, la surreprésentation des enfants autochtones en famille d’accueil et le sous-financement chronique des services pour les enfants autochtones. Ici à Tiohtià:ke, il a été constaté par la Commission québécoise des droits de la personne que le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux Ouest de l’Île de Montréal (CIUSSS ODIM) viole de façon chronique les droits des enfants autochtones à l’éducation et au développement. Les traumatismes et les perturbations sociales vécus par les survivants des pensionnats et leurs familles contribuent directement à la prévalence plus élevée du VIH et de l’hépatite C chez les Autochtones.

ACCM reconnaît le rôle que le colonialisme a joué dans l’épidémie de VIH et se fait l’écho des communautés autochtones en appelant à l’action pour remédier à cet héritage. ACCM appelle tous les paliers de gouvernement du Canada et du Québec à :

  • Accélérer et terminer la recherche exhaustive d’autres lieux de sépulture des pensionnats à travers le pays, comme la CVR l’a demandé dans le cadre de son projet Enfants disparus et sépultures non marquées.8
  • Accomplir les 94 appels à l’action de la CVR. Le premier ministre Justin Trudeau a promis en 2015 de mettre en œuvre les 94 appels à l’action, mais à ce jour, son gouvernement n’en a réalisé que huit. Aucun appel à l’action n’a été mis en œuvre en 2020, ce qu’ACCM trouve inacceptable.9
  • Accomplir tous les appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. En 2019, l’enquête a produit un rapport final qui comprenait 231 appels à la justice pour commencer à lutter contre la violence à laquelle sont confrontées les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones. Les femmes et les filles autochtones représentent 16 % de tous les féminicides, alors qu’elles ne représentent que 4 % de la population féminine. Le Canada a mis deux ans pour proposer un plan d’action national, qui a été rejeté par l’Association des femmes autochtones du Canada.10
  • Accroître l’accès à des soins et à des traitements culturellement adaptés pour les peuples autochtones, y compris l’adoption du principe de Joyce.11
  • En collaboration avec les communautés autochtones, réviser en profondeur la Loi sur les Indiens qui est discriminatoire, inéquitable et invasive, et devrait être remplacée par une loi qui protège et améliore les droits et la souveraineté des Autochtones.
  • Se conformer à la décision du Tribunal canadien des droits de la personne en finançant des services à l’enfance et à la famille justes et équitables pour les Premières Nations et en mettant pleinement en œuvre le Principe de Jordan. Le Canada a constamment combattu la décision du Tribunal des droits de la personne de 2016 selon laquelle le sous-financement des services à l’enfance et à la famille dans les réserves est discriminatoire.12
  • Mettre fin à tous les avis d’ébullition de l’eau dans les collectivités des Premières nations. Le gouvernement du Canada s’est engagé à lever tous les avis d’ébullition de l’eau dans les réserves des Premières nations d’ici cinq ans. Malgré cette promesse, il reste 52 avis d’ébullition d’eau dans les réserves, et le gouvernement a annoncé qu’il faudra cinq ans de plus pour les lever.
  • ACCM demande également au CIUSSS ODIM et aux Centres de la jeunesse et de la famille Batshaw de mettre en œuvre toutes les suggestions du rapport « Un pas en avant, deux pas en arrière » pour lutter contre la discrimination continue envers les enfants autochtones.

En tant qu’organisation qui opère à Tiohtià:ke, sur les territoires non cédées Kanien’kehá:ka, ACCM estime avoir la responsabilité de s’adresser directement au ministre des Services aux Autochtones, Marc Miller, qui est député de Ville-Marie—Le-Sud-Ouest—Île-des-Sœurs. Par ses fonctions de servir les peuples autochtones et représenter les communautés de Tiohtià:ke, le ministre Miller a joué un rôle important dans la gestion inadéquate par le Canada des génocides historiques et actuels contre les peuples autochtones.

ACCM encourage ses membres et sa communauté à se renseigner sur le système des pensionnats indiens et le colonialisme actuel au Canada. Les ressources suivantes peuvent être utiles :

Les ressources suivantes sont disponibles en français pour les membres autochtones de notre communauté pendant cette période difficile :

  • Ligne d’écoute téléphonique de Résolution des questions de pensionnats indiens. Disponible gratuitement pour les survivants au 1-866-925-4419

Enfin, nous encourageons toute personne ayant les moyens financiers de soutenir les organisations locales qui servent et soutiennent les peuples autochtones et les survivants des pensionnats, comme les suivantes :

Dans l’attente d’une réponse, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos salutations respectueuses.

Julian Hughes, Président

Emilie Renahy, Directrice exécutive

C.C.I. Membres du Conseil d’administration de ACCM

La même lettre a été envoyée à : L’honorable Carolyn Bennet (C.P., député, Ministre des Relations Couronne-Autochtones), le très honorable Justin Trudeau (C.P., député, Premier ministre du Canada), l’honorable François Legault (M.A.N., Premier ministre du Quebec), l’honorable Ian Lafrenière (M.A.N., Minister responsable des Affaires autochtones), Mme Lynne McVey (Présidente-Directrice Générale, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Ouest-de-l’île-de-Montréal), Mme Katherine Moxness (Directrice du programme jeunesse, Centres de la jeunesse et de la famille Batshaw – Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Ouest-de-l’île-de-Montréal)


7 Public Health Agency of Canada. Summary: Estimates of HIV incidence, prevalence and Canada’s progression on meeting the 90-90-90 HIV targets, 2016. 2018. Available from: https://www.canada.ca/content/dam/phac-aspc/documents/services/publications/diseases- conditions/summary-estimates-hiv-incidence-prevalence-canadas-progress-90-90-90/pub-eng.pdf.

8 The Truth and Reconciliation Commission of Canada, 2015. Honouring the Truth, Reconciling for the Future: Summary of the Final Report of the Truth and Reconciliation Commission of Canada. http://www.trc.ca/assets/pdf/Honouring_the_Truth_Reconciling_for_the_Future_July_23_2015.pdf

9 Jewell and Mosbey, 2021, “Calls to Action Accountability: A 2020 Status Update on Reconciliation.” https://yellowheadinstitute.org/wp-content/uploads/2020/12/yi-trc-calls-to-action-update-full-report-2020.pdf 10 https://globalnews.ca/news/7917272/mmiwg-report-federal-government-calls-to-justice/

11 https://www.aptnnews.ca/featured/quebec-rejects-joyces-principle-because-it-calls-for-recognition-of- systemic-racism/

12 https://thetyee.ca/News/2021/06/02/Cindy-Blackstock-Indigenous-Children-Trudeau-Residential-Schools/